Petit frère, pardon.
Pour la première fois, mon frère m’a parlé de ceci,
que j’avais écrit il y a deux ans. Ça m’a bouleversé. Je lui ai demandé pardon
mais je n’ai pas su lui dire combien j’avais pleuré, combien de nuits, de ce
que je n’avais pas fait pour lui. Ce texte n’est pas bien écrit, comme trop
souvent maintenant, mais il m’est important. Contrairement à ce que je croyais,
pour lui j'ai été un des rares présents. Tout de même, je ne l'ai pas été
assez. Il faudrait que je parle de lui plus souvent, car il est digne d'être
aimé. Pourtant si peu l'aiment.
À l’église, j’étais derrière mon grand-père.
Parfois ses épaules subitement se voûtaient, son dos s’affaissait, grand’père
sanglotait. Puis mon vieil Auvergnat se redressait, fermait les yeux pour
arrêter les larmes. J'ai posé la main sur son épaule, ça l'a bouleversé : j'ai
bien senti qu'il fallait ne pas recommencer.
Ma cousine et moi nous sommes levés entre deux
chants pour aller donner lecture de textes religieux. On avait les mains qui
tremblaient et, sur le dernier verset, ma voix a trébuché. J’ai mis du temps à
me relever.
Chacun comme devant la mort a attendu son tour pour
saluer la partante. Quelque chose en moi cédait dès qu’on déposait sur le
cercueil une manière de baiser. Comme les proches étaient nombreux, je suis
sorti effondré.
Dehors je tournais le dos à l’assemblée. Quelqu’un
m’a pris dans ses bras, je m’y suis agrippé et j’ai pleuré. Mon frère, que
personne n’aime, que ma mère et moi, mon petit frère n’avait personne pour
recueillir ses larmes. Alors elles sont tombées à terre, inaperçues ou
ignorées. Il n’avait pas de mouchoir et son nez coulait.
J’ai tant déversé qu’à la fin je souriais, pris
d’une étrange tranquillité, sorte de gaieté. Dans le cimetière où le temps
était si gentil, toute la famille souriait. Sur le parterre de verdure en face
de sa tombe s’étalaient en pétales des bouquets de jolis pleurs à peine éclos,
colorés.
Au revoir, Mamie.