On est mieux chez les morts.
Une vieille repose sa
tristesse aux couleurs passées sur un banc du cimetière, laissant l’arrosoir
sur son petit chariot, près de ses pieds. Chaque après-midi avec cet arrosoir
elle mouille la terre, mais pas de ses larmes que trop de morts ont tari. Peut-être
n’a-t-elle même plus de peine, elle prépare la terre qui bientôt l’accueillera
et nettoie à l’eau douce quelque souvenir sépia, toujours le même peut-être.
Plus loin, un homme
élégant, portant costume et tristesse, s’occupe de fleurs avec tendresse. Il
les arrose, les caresse, les soulève pour les replacer et, enfin, les pose. Je
me dis que, lorsque l’on vient souvent, avec le temps le soin aux fleurs
remplace les prières, mais je me trompe. Il trace une croix sur son front,
entame une série de gestes que je ne comprends pas, ésotériques et lents, il
eut les bras en croix en instant, ses lèvres forment sa prière, les mots
consacrés à la morte aimée. Quand il partira, il sera toujours seul – nul
miracle pour les restants.
Dans une heure, à l’entrée
du cimetière une sonnerie de cour de récréation retentit, annonçant la
fermeture des portes, la fin des visites aux morts : il sera six heures et
demain est encore loin. Je suis parti avant, rendre visite à ma grand’mère,
dans un autre cimetière. J’étais serein, souriant, quand je suis arrivé je l’ai
embrassée à un coin. Puis – que s’est-il passé ? – j’ai murmuré J’espère que tu ne me vois pas et j’ai
pleuré.
J’ai terminé ma journée en allant chez ma mère, la voir ainsi que mon frère. Son homme était là aussi, qui est simple et bon. J’ai plaisanté et – que s’est-il passé ? – il s’est énervé, ma mère est arrivée pour nous séparer, il a crié Ne t’approche pas en lui faisant une clef de bras. J’ai hurlé.