Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Au temps pour moi.
23 mars 2007

Ce qu'elle m'a raconté ce matin.

C’est une vieille dame maintenant. Chez eux, on ne prenait pas de photographies. De son fils, elle n’en avait qu’une, prise on ne sait comment, rangée dans ce tiroir qu’on n’ouvrait jamais. Alors, sur la noire pierre tombale, c’est ce portrait qu’elle a fait imprimer en blanc, et qui n’est pas très ressemblant. — Il avait de si belles mains, même si je ne m’en souviens pas bien, il était pianiste, vous savez. Vous alliez le voir jouer ? — Oui, dans sa chambre, souvent. Avec le temps, les souvenirs de son visage s’amenuisant, sa mémoire se raccrochait à ce portrait jusqu’à ne voir plus que ça. Tout le reste devenait flou, menaçait de s’effacer de foutre le camp, mais je ne veux pas que mon fils s’en aille, mon enfant. Voilà pourquoi, dans ce cimetière, elle approche son fils par derrière et couvre d’un drap noir sa pierre. Ainsi a-t-elle pu retrouver son visage, en se concentrant.

Elle ne vient que lorsqu’il pleut car la pluie camoufle ses larmes, comme ça, ces jours-là, il ne sait pas que je suis triste. Une bise se lève, chasse quelques rares nuages. Pourtant la météo lui avait promis qu’elle pourrait pleurer ce matin. Elle reviendra demain, vous lui ressemblez un peu ; au revoir, monsieur. De derrière, elle a ôté le petit drap. J’ai regardé : ce n’était pas vrai. Une heure après, il pleuvait.

Publicité
Publicité
Commentaires
K
Je ne sais pas trop quoi répondre... Mais je crois ressentir parfois ce que tu exprimes là. Enfin, non, sans doute est-ce autre chose, mais déjà quelque chose. La pluie, la pluie qui peut permettre de pleurer sans être repéré, elle me force ou m'entraîne à marcher la tête haute pour bien la sentir. Alors que le naturel incite plutôt à regarder ses pieds. La pluie, c'est avoir de la peine la tête haute. La tête haute, c'est ça qu'il me manque en ce moment.<br /> Ce n'est pas la première fois que tu m'en parles sensiblement. Preuve, s'il en fallait une, de ta sincérité. Pour laquelle je te remercie.
A
PLUIE….<br /> <br /> LA C’est ce qui ne manque le plus je crois,<br /> ne pas pouvoir être sous elle, <br /> lorsqu’elle arrive, doucement, brutalement, <br /> n’importe quand. <br /> Elle est là et je l’entends, je sens sa présence, <br /> son appel mêlé au vent. <br /> C’est ce qui me manque le plus <br /> de ne pouvoir la rejoindre n’importe quand. <br /> Elle est là, incessante <br /> et ce manque intolérable de ne pouvoir en être imprégnée…<br /> doucement brutalement. <br /> Marcher avec elle dans les rues, <br /> les rues de cette ville, <br /> la nuit me mêler à elle, <br /> cette pluie qui doucement brutalement me pénètre, <br /> m’englobe dans sa totalité.<br /> Les larmes sur mes joues peuvent enfin couler, <br /> on ne sait plus on les confond avec cette pluie. <br /> Avec la pluie ces gouttes salines, <br /> je les entends s’écraser telles des balles de plomb sur mon corps. <br /> Elles me caressent <br /> me transpercent, <br /> d’où viennent t’elles <br /> des ces yeux du ciel, <br /> de ce ciel couleur d’ombre<br /> ….va savoir…<br /> Mais dans ce tout confondu, <br /> elle, <br /> elle peut enfin sortir, <br /> contenue dans ce corps depuis des siècles, <br /> elle attends ce moment <br /> je la libère, <br /> elle s’apaise, <br /> pour me revenir plus violente encore <br /> mais qu’importe. <br /> Ce jour là, <br /> c’était un jour où l’on pouvait vivre nu, <br /> ni trop chaud, ni trop froid. <br /> Ces jours où le temps est d’une insipidité monstrueuse. <br /> Elle, elle aurait pu prendre avec ce cri, <br /> terrible, déchirant <br /> resté muet. <br /> muet, prisonnier, <br /> incorporé dans chaque cellule, <br /> dans leur noyau même <br /> insidieusement <br /> comme cette pluie.
Au temps pour moi.
Publicité
Au temps pour moi.
Derniers commentaires
Publicité