Ciel !
Mon grand’père, il y a
cinquante ans, fut-ce pour une bouchée de pain ou trois fois rien : ça, je
ne sais plus bien, acquit des terres en Espagne, au bord de la mer. Il ne s’en
est jamais occupé, les a oubliées. Seulement une fois s’est-il dit J’ai quelque chose là-bas, des oliviers,
mais il ne les a pas retrouvés. Alors, aujourd’hui, tous les espoirs sont permis,
je dis J’ai des terres en Espagne,
accompagne-moi, ma belle : le premier a gagné, c’est à toi de commencer la
marelle vers Compostelle, chut, ne lui dites pas que s’envolent les jupes des
filles qui sautillent, que je suis derrière pour regarder, ne lui dites pas que
ce sera exprès que j’arriverai dernier et choisirai pour gage de l’embrasser. Regarde, ce sont mes oliviers ! J’ai
un hôtel, un casino, une cabane, je ne sais pas, peut-être un château,
qu’importe : nous sommes en Espagne. Déshabille-toi
chérie, il n’y a personne, ne t’en fais pas, déshabille-toi : la mer aussi
est à moi. Si je ne suis pas sage ou si je mens, choisis le gage. Elle me
répond que justement je ne suis pas très sage, avant de m’embrasser – je le
savais mais chut : j’ai fait exprès –, de m’attirer sous les oliviers. Sous
cette ombrelle deux doigts jouent à la marelle sur le ventre de ma belle – de
ma belle qui dit C’est plus bas,
Compostelle. Et c’est ton gage d’y aller.