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Au temps pour moi.
22 mai 2007

De l'autre côté.

Sitôt après l’enterrement, ou peut-être avant, sa famille – tout le monde sauf sa fille – avait déjà choisi, dérangé, déplacé, vidé. On a sauvé quelques restes, même si la petite fille avait déclaré ne rien voir, ne rien vouloir, juste ne pas en parler, surtout ne pas pleurer.

Nous avons tout caché dans une cave, celle de sa tante. Quand nous sommes allés la chercher, elle a demandé, un peu excitée : « Vous avez réussi à ramener quelque chose ? » Elle n’était pas censée être au courant, on a répondu Oui, gênés. Alors quelques minutes plus tard, tous accroupis dans le noir, dans couloir longeant les caves, nous avons déballé les reliques, elle les a prises une à une avec précaution, petit bonheur et grande tristesse, de ses petits doigts encore boudinés d’enfance que parfois je serre, que souvent sa mère caresse, elle les a examinées, triées, choisissant ce qui irait dans sa chambre, alors accroupi dans le noir du couloir j’ai commencé à pleurer en regardant de l’autre côté. Parmi les quelques objets qu’elle remontera, un harmonica – dont elle jouera une fois pour moi – et un bracelet éponge qu’elle retirera avant de dessiner – pour ne pas le tâcher – et qu’elle remettra, après.

Je crois qu’elle sait avoir eu plus de son père mort que vivant. À huit ans seulement elle cache son chagrin, alors je lui ai caché le mien, elle ne veut ni en parler ni pleurer, alors je ne dis rien et pleure de l’autre côté.

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