De l'autre côté.
Sitôt après l’enterrement,
ou peut-être avant, sa famille – tout le monde sauf sa fille – avait déjà choisi,
dérangé, déplacé, vidé. On a sauvé quelques restes, même si la petite fille
avait déclaré ne rien voir, ne rien vouloir, juste ne pas en parler, surtout ne
pas pleurer.
Nous avons tout caché dans
une cave, celle de sa tante. Quand nous sommes allés la chercher, elle a
demandé, un peu excitée : « Vous avez réussi à ramener quelque chose ? »
Elle n’était pas censée être au courant, on a répondu Oui, gênés. Alors quelques minutes plus tard, tous accroupis dans
le noir, dans couloir longeant les caves, nous avons déballé les reliques, elle
les a prises une à une avec précaution, petit bonheur et grande tristesse, de
ses petits doigts encore boudinés d’enfance que parfois je serre, que souvent
sa mère caresse, elle les a examinées, triées, choisissant ce qui irait dans sa
chambre, alors accroupi dans le noir du couloir j’ai commencé à pleurer en
regardant de l’autre côté. Parmi les quelques objets qu’elle remontera, un
harmonica – dont elle jouera une fois pour moi – et un bracelet éponge qu’elle
retirera avant de dessiner – pour ne pas le tâcher – et qu’elle remettra, après.