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Au temps pour moi.
12 novembre 2006

Je ne devrais pas parler.

Je voudrais parler de la maladie ou de la guerre, des malheureux dont la chair pourrit ou se déchire, des enfants mutilés et des mères violées, des mères mutilées et des enfants violés, de la faim qui gonfle les ventres, de la justice qui coupe les mains, des vieux abandonnés qui attendent de crever, de ces cancéreux qui ne voudraient pas crever et des cancéreux qui voudraient crever.

Mais rien ne me vient que l’image d’une main caressant ma main.

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Commentaires
K
Je me suis longtemps posé la question de la gratuité des actes et sitôt qu'on en attendait quelque chose j'y voyais comme une tâche sur le bienfait. Pareillement, il me semblait qu'un véritable amour ne devait rien attendre en retour. Mais tout cela est utopique, à la seule portée des saints – s'ils existent.<br /> Je guette les moments où mon écriture dépasse mon nombril : c'est très, trop rare. Mais qu'importe : je fais ce que je peux, espérant juste parfois que je peux faire découvrir une émotion ou, au mieux, en partager une. Je ne crois pas que ça changera celui qui me lira, mais ça peut participer à un changement, influencer un geste plus tard de sa part.
M
Nous avons tous les mêmes penchants, rassurez-vous (ou consolez-vous). Certains sont plus saints que d'autres, plus dévoués, plus généreux, ils endossent plus spontanément la misère. Mais, et ce n'est pas leur faire insulte que de dire cela, ils s'y retrouvent également. Leur besoin de s'éprouver, ou de se supporter, ou de s'aimer pourquoi pas, peut s'y retrouver. Je ne crois guère, sans doute par une sorte de pessisme primitif, à la gratuité des gestes - sauf, bien entendu, lorsqu'un être cher est dans le besoin, autrement dit lorsque ce qui constitue notre affect est touché. Disant cela, il ne s'agit pas de contester la validité de la notion d'engagement, mais juste de la relativiser, de la replacer dans tout contexte individuel dont elle ne peut décemment faire abstraction. <br /> J'ai écrit, et écrirai sans doute encore, des textes dits "engagés" ; à tout le moins des textes empreints d'une certaine considération sociale. Au mieux peuvent-ils permettre d'affecter un ou deux lecteurs, de les conduire à réfléchir différemment, voire à réviser un jugement. Mais cela s'arrête là. Si nous sommes "faits pour écrire", alors écrivons et n'obéissant qu'à ce qui nous fait écrire. Ne nous coupons pas du monde pour autant : il est probable, alors, que le souci du monde rejoigne, par moments, mais par moments seulement, notre écriture. Nul ne vous (nous) demande autre chose.
K
Je n’avais jamais vu les choses ainsi, vous m’apaisez quelque peu. Oui, je voudrais que ce soit un engagement suffisant. Mais j’ai toujours un doute. Auparavant il m’arrivait d’écrire sur la pauvreté et, chaque fois que je le faisais, je pointais mon hypocrisie consistant à écrire, témoigner, peut-être émouvoir sur ce sujet sans jamais rien faire de concret néanmoins. Jamais mes mots ne les réchaufferont ou n’emplira leur gamelle. Je me sentais hypocrite de me faire apprécier sur le dos de la pauvreté. Mais je ne pouvais pas me taire non plus.<br /> J’écris pour d’intimes raisons que j’ignore, mais pas pour sauver qui que ce soit : vous avez raison, là est ma culpabilité. Mais si je pouvais apaiser ou, modestement et peut-être, enrichir, en sorte de bienfait collatéral… Aider les autres en se sauvant soi, oui, l’idée me plaît. Peut-être parce qu’elle flatte à la fois ma conscience et mon égoïsme, car je crois malheureusement que là sont mes penchants.<br /> <br /> Merci beaucoup.
M
Vieux dilemme... Eprouvé sans doute par tous ceux qui, en eux, sentent cette certaine excroissance qui les conduit à la littérature. Notre sentiment de culpabilité en ce monde mondial est total : tant de souffrances (sues, vues, connues, télévisées), et nous, en face, non seulement impuissants, mais relativement muets ; et, qui plus est, embarqués dans l'écriture. Or on n'écrit que pour de très intimes raisons, et ces très intimes raisons entrent souvent en confrontation avec l'image de la souffrance du monde. Le mieux, alors, est de lutter contre la culpabilité, et de faire ce que l'on fait de mieux : ce sera là notre forme d'engagement au monde. Et si ce que l'on fait de mieux est écrire, et que ce que l'on écrit n'évoque rien des souffrances, des guerres ou des chairs qui pourrissent, eh bien tant pis... Ecrire sur la guerre ou tout autre fléau nous donnera la bonne conscience de l'avoir fait, mais ne changera rien à la guerre ou à tout autre fléau... On n'écrit pas pour sauver le monde, mais pour se sauver soi-même. S'il peut arriver que, en se sauvant soi-même, on en sauve d'autres, tant mieux ; mais c'est rare...
Au temps pour moi.
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Au temps pour moi.
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