Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Au temps pour moi.
23 octobre 2006

Un peu sous verre, un peu sous terre. Mais nulle part en ma mémoire.

Ma maman m’a demandé si je voulais qu’elle les fasse encadrer ; j’ai accepté. Bientôt j’aurai mon papa sous verre, c’est déjà un peu mieux que sous terre. De cette manière, je pourrai le regarder, me faire à l’idée qu’il a existé. D’autant que, même si je soulevais la pierre, je serai bien en peine de dire où il est, rangé dans l’ombre d’un coin où nul regard ne vient.

Mon père, dans ses jeunes années, aimait chanter : ça lui faisait un peu de monnaie. J’ai cru me souvenir, un temps, qu’il me chantait Les sabots d’Hélène pour me bercer. On m’a appris que c’est un souvenir inventé et c’est dommage car c’est tout ce qu’il me restait. Ce qui est certain, c’est qu’il fredonnait tandis qu’il avait sa jeune nièce dans un bras, qu’il lui caressait la tête d’une main – ce pauvre bébé qui déjà mourrait. Peut-être est-ce à cette enfant qui passait sans savoir que bientôt il la rejoindrait qu’il fredonnait : « Et dans le cœur d’Hélène / qu’y avait jamais chanté / J’ai trouvé l’amour d’une reine / Et moi je l’ai gardé. » Ç’a dû être le dernier souvenir de ma cousine et – tant pis, je le dis –,  moi qui n’en ai pas, je le lui aurais bien pris.

Il y a quelques années, en prévision de leurs vieux jours, mes grands-parents décidèrent de faire de la place dans le caveau. Alors, de mon père et de ma cousine, ils mélangèrent les os, entassés dans une boîte, petite, mesquine. Et sans demander à l’adulte que j’étais, et sans s’émouvoir pour les parents de la petite enfant. Tout de même, encore une fois dans ses bras, elle aura eu de mon papa bien plus que moi. Et je m’en veux de penser ça.

Publicité
Publicité
Commentaires
K
C'est incroyable comme tes mots sont justes. Voilà une réflexion que je me fais depuis longtemps : que je me construis autour d'un vide que, de mes mots, j'essaie de circonscrire.<br /> J'ai son nom, et oui c'est beaucoup, et non je ne souhaiterais pas en changer, c'est certain. Ma personnalité s'est faite entière dessus mais, pour le jeu des ressemblances, makache, je n'ai que très peu de photos de lui (j'en viens d'en obtenir, récemment, à l'arraché – probablement raconterai-je comment) : je ne peux quasiment m'en tenir qu'aux témoignages des vivants. Qui n'en parlent presque jamais.<br /> Quant à savoir s'il serait fier de ces quelques mots écrits à la trop vite, sincèrement je n'y crois guère. Mais, après tout, je n'en sais rien, je ne le connais pas. Que le doute me bénéficie.
R
Il t'a transmis son nom, et ce n'est pas rien.<br /> Et la moitié de ses gènes. Reste à savoir lesquels (tu sais, le petit jeu des ressemblances).<br /> Il t'a aussi donné la possibilité, à travers l'absence qu'il t'impose, mille et une façons de construire autour du vide. Par des mots, comme tu viens de le faire de splendide et touchante manière. Mais certainement par bien d'autres moyens.<br /> Et s'il pouvait lire la manière dont tu le mets en mots, je ne doute pas un seul instant qu'il serait fier de son fils!
K
Non, je n'y pense pas. Enfin, si. J'y pense mais je ne peux rien en imaginer. Il me faudrait pour cela une base, même petite, de connaissance. Mais je ne sais ni ne me souviens de rien.<br /> Maintenant, quand je pense à ma vie et à lui, le maximum que je puisse penser est qu'il ne serait pas fier de son fils, et ça me terrifie, me paralyse.<br /> La question du sens, du relais, je ne la perçois pas nettement. Il n'y a aucun sens. S'il s'était suicidé, j'aurais pu réfléchir à la question du sens. Mais là... Il est mort jeune et voulait vivre, c'est tout ce que je vois.<br /> Il est mort trop jeune pour me transmettre quoi que ce soit, sauf son absence. Tout ce que je peux faire – et je n'y arrive pas – c'est la transformer en de jolis textes. J'écris ce blog pour m'y entraîner à nouveau. Je ne suis pas exigeant pour le moment, je commence petit à petit.<br /> Oui, je comprends qu'il faut réussir sa vie – quel que soit ce que l'on entend par "réussir" – puisqu'il y a la mort au bout. Mais je ne sais pas comment on s'y prend.<br /> Après ces mots joyeux, je tiens à préciser qu'il m'arrive de rire. Je ne suis pas que le triste que je parais ici. Ceci dit, je n'ai jamais eu un rire si profond qu'il me convainquit d'un coup que, quand même, c'est vraiment pas mal, la vie.<br /> <br /> Je crois que je recommencerai ce commentaire plus tard : je ne suis pas sûr de comprendre ce que j'y ai écrit...
D
Encore une fois, très touchant.<br /> Et penses-tu parfois à la vie qui'ls ont menée avant? Aux rires que tu peux avoir, à la vie, à ta vie? A vivre pour que la mort aie un sens? au relais qu'il t'a donné et que tu as ou vas peut-être transmettre ?
K
Ça me fait du bien de savoir que ça peut toucher, je ne saurai expliquer pourquoi.<br /> Mais, tu sais, je n'ai pas, dans ce cas, été confronté à la mort directement mais à une de ses conséquences : l'absence. Je n'étais pas né quand ma cousine est morte, j'étais trop jeune à la mort de mon père pour me souvenir de lui.<br /> <br /> La mort, je l'ai connue plus tard, comme tant d'autres à l'âge commun – celle de mes grands-parents. Et, chaque fois, je l'ai vécue différemment. Le plus terrible, ce fut quand on a rouvert le caveau dont je parle ici.<br /> <br /> Merci d'avoir laissé une trace, parfois j'en ai besoin.
Au temps pour moi.
Publicité
Au temps pour moi.
Derniers commentaires
Publicité