Pensées à étouffer
Encore une fois : vingt ans. Il n'y a pas grand'chose à sauver de ce texte-ci. Je le poste pour qu'on puisse imaginer combien en moi, en ce moment, se mêlent les sentiments de perte. Il faut le lier au précédent, sans chercher de lien logique. Ils forment, chacun, un écho qui a moins à voir avec le style – affligeant – qu'avec ce qu'ils me rappellent de mes tourments. Bon dieu, j'ai mal comme à vingt ans. Comme si rien ne m'avait servi, comme si je n'avais rien appris. Je supprimerai ce texte et son le précédent ce soir.
Ça s’est terminé si mal,
souviens-toi, cœurs dedans, griffes dehors, mal partout, oui je me souviens.
Ah ! qu’il me manque ton ventre, et ses plaisirs, et ses douleurs. Et sa
chaleur sous ma main, et tous les mois ses plaintes, et le rouge avec le blanc
qui aurait fait le rose. Et ce petit point de plaisir, sur ta nuque, que mes
doigts cherchent, oui c’est là qu’il est, juste derrière mes lèvres. Et ta voix
par-dessus ma voix, ces souffles qui soulèvent le drap rouge, blanc, rose,
mille fois reposé, mille fois envolé encore. Là-bas dans le temps, cette paix
pour nous deux, dans cet écrin fermé sur quelques instants précieux, comme des
paupières sur une félicité à recommencer, qu’il faisait doux d’y dormir, ici
dans le lit.
Tout ça, c’était là, où je
pose ma main, où il n’y a rien ; tout ça, c’était là, où tu poses ta main,
où il y a quelqu’un. Et ce sont d’autres plaintes, d’autres couleurs aussi,
nouvelles, donc plus belles, mais toujours du rose, mais sans mon bleu. Ta
voix : que dit-elle ; et ma voix : où est-elle ? Et
qu’entends-tu, et que respires-tu ? Et qui es-tu finalement ? Les
entends-tu, mes mots ? Entends comme je les allonge, il faut les prononcer
lentement, oui, que ce soit long avant la fin. Ce silence, qu’est-ce ? Des
pensées étouffées par le satin ? Qui t’accompagne dans la soie ? Et
ma voix, où est-elle ? Et veux-tu qu’elle se taise ? Oui ou
non ? Oh, réponds-moi juste comme ceci : par un oui, par un non, sans
rien d’autre qu’une signature, pas de bonjour, pas d’au revoir, rien que oui ou
rien que non. Ou rien que « Viens. »